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mis avaient cru également que son projet était de s’ensevelir sous les ruines de cette ville ; et comme les uns ou les autres se seraient également opposés à sa fuite, le monarque de l’Asie, accompagné de Sira et de trois concubines, s’était sauvé par un trou de muraille, neuf jours avant l’arrivée de ses vainqueurs. Un voyage rapide et secret remplaça ce magnifique appareil dans lequel il s’était montré à la foule prosternée devant lui ; et la nuit de la première journée, il logea dans la chaumière d’un paysan, dont l’humble porte ne s’ouvrit qu’avec peine au grand roi[1]. La peur triompha de la superstition ; le troisième jour il entra avec joie dans les murs fortifiés de Ctésiphon ; mais il ne se crut en sûreté que lorsqu’il eut mis le Tigre entre lui et les Romains. Son évasion remplit d’effroi et de tumulte le palais, la ville et le camp de Dastagerd : les satrapes examinèrent s’ils devaient plus craindre leur souverain que l’ennemi ; et les femmes de son sérail, étonnées et charmées, cessèrent d’être privées de la vue du genre humain, jusqu’au moment où le jaloux mari de trois mille femmes les renferma de nouveau dans un château plus éloigné. Il ordonna à l’armée de Dastagerd de se retirer dans un nouveau camp : son front était couvert par l’Arba et par une ligne de deux cents

  1. Les expressions de Théophane sont remarquables : Εισηλθε Χοσροης εις οικον γεωργο‌υ μηδαμινο‌υ μειναι, ο‌υ χωρηθεις εν τη το‌υτο‌υ θυρα ην ιδων εσχατον Ηρακλειος εθαμασε (p. 269). Les jeunes princes qui montrent du goût pour la guerre devraient transcrire et traduire souvent de pareils passages.