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chaine de l’empire. Si les intentions de Chosroès eussent été honorables et pures, il eût fait la paix à la mort de Phocas, et aurait embrassé, comme le meilleur de ses alliés, l’heureux Africain qui avait vengé si noblement Maurice, son bienfaiteur. La continuation de la guerre révéla le véritable caractère de ce Barbare ; il rejeta avec un silence dédaigneux ou avec d’insolentes menaces, les ambassades suppliantes d’Héraclius, qui le conjurait d’épargner les innocens, d’accepter un tribut, et de donner la paix à l’univers. Les armes de la Perse subjuguèrent la Syrie, l’Égypte et les provinces de l’Asie, tandis que les Avares, que la guerre d’Italie n’avait pas rassasiés de sang et de rapine, dévastaient l’Europe depuis les confins de l’Istrie jusqu’à la longue muraille de la Thrace. Ils avaient massacré de sang-froid tous les captifs mâles dans les champs sacrés de la Pannonie ; ils réduisaient en servitude les femmes et les enfans ; et les vierges des plus nobles familles étaient livrées à la brutalité des soldats. L’amoureuse Romilda, qui ouvrit la porte de Frioul, ne passa qu’une nuit dans les bras du roi son amant ; elle fut condamnée le lendemain à subir les caresses de douze Avares : le troisième jour, cette princesse, de la race des Lombards, fut empalée à la vue du camp, tandis que le chagan observait, avec un sourire cruel, que ses débauches et sa perfidie méritaient un pareil époux[1].

  1. Paul Warnefrid, De gest. Langobard., l. IV, c. 38, 42 ; Muratori, Annali d’Italia, t. V, p. 305, etc.