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ressentiment et de son désespoir. Il pouvait mépriser la colère d’un tyran aveugle et détesté : mais la tiare ne pouvait être affermie sur sa tête qu’il n’eût renversé la puissance ou gagné l’amitié de l’illustre Bahram, qui refusait avec indignation de reconnaître la justice d’une révolution sur laquelle on n’avait consulté ni lui ni ses soldats, les véritables représentans de la Perse. On lui offrit une amnistie générale et la seconde place du royaume ; il répondit par une lettre, où il se qualifiait d’ami des dieux, de vainqueur des hommes, d’ennemi des tyrans, de satrape des satrapes, de général des armées de la Perse, et de prince doué de onze vertus[1]. Il ordonnait à Chosroès d’éviter l’exemple et le sort de son père, de remettre en prison les traîtres dont on avait brisé les chaînes, de déposer dans un lieu saint le diadème qu’il avait usurpé, et d’accepter de son gracieux bienfaiteur le pardon de ses fautes et le gouvernement d’une province. Cette correspondance ne peut être regardée que comme une preuve de l’orgueil de Bahram et surtout de l’humilité du roi ; mais l’un sentait sa force et l’autre connaissait si bien sa faiblesse, que le ton modeste de sa réplique n’anéantit pas l’espoir d’un traité et d’une réconcilia-

  1. Voici les paroles de Théophylacte (l. IV, c. 7) : βαραμ φιλος τοις θεοις, νικητης επιφανης, τυραννων εχθρος, σατραπης μεγισ‌τανων, της Περσικης αρχων δυναμεως, etc. Dans sa réponse, Chosroès se qualifie de τη νυκτι χαριζομενος ομματα… ο το‌υς Ασωνας (les génies) μισθο‌υμενος. C’est le style oriental dans toute son enflure.