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côté de l’occident, il perdit l’Italie, il vit ravager l’Afrique, et n’arrêta point les conquêtes des Perses. L’injustice dominait dans la capitale et les provinces ; les riches tremblaient pour leur fortune, les pauvres pour leur sûreté ; les magistrats ordinaires étaient ignorans ou corrompus ; les remèdes apportés quelquefois à tant de maux paraissent avoir été arbitraires et violens, et la couronne ne se trouvait plus sur la tête d’un législateur et d’un conquérant qui imposât silence aux plaintes du peuple. Un historien peut appuyer comme une vérité sérieuse ou comme un préjugé salutaire l’opinion qui impute aux princes les calamités de leur temps ; mais pour être de bonne foi, il faut dire que Justin paraît avoir eu des intentions pures et bienfaisantes, et qu’il aurait pu porter le sceptre avec honneur, sans une maladie qui diminua les forces de sa tête, le priva de l’usage de ses pieds et le retint dans son palais : il ne fut instruit ni des plaintes du peuple ni des vices de son gouvernement. S’apercevant, mais trop tard, de son impuissance, il abdiqua la couronne, et dans le choix d’un digne successeur, montra quelques lueurs de discernement et même de magnanimité. Le seul fils qu’il eût eu de l’impératrice Sophie était mort en bas âge ; Arabia, leur fille, avait épousé Baduarius[1], d’abord surintendant du palais, et

  1. Dispositorque novus sacræ Baduarius aulæ ;
    Successor soceri mox factus Cura-palati.

        Corripus.
    Baduarius est compté parmi les descendans et les alliés de la maison de Justinien, Une famille noble de Venise (la casa