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Mesure des délits.

Les péchés, les vices et les crimes sont du ressort de la théologie, de la morale ou de la jurisprudence : lorsque leurs jugemens sont d’accord, ils se fortifient l’un l’autre ; mais dès qu’ils varient, un sage législateur évalue le délit, et détermine la peine selon le mal qui en résulte pour la société. C’est sur ce principe que l’attentat le plus audacieux contre la vie et la propriété d’un citoyen paraît moins atroce que le crime de trahison ou de rebellion qui attente à la majesté de la république : la servilité des jurisconsultes prononça que la république se trouvait tout entière dans la personne de son chef ; et les soins continuels des empereurs aiguisèrent le tranchant de la loi Julia. On peut tolérer le commerce licencieux des deux sexes, parce que c’est un besoin de la nature ; ou le défendre, parce qu’il produit des désordres et de la corruption ; mais l’infidélité d’une femme nuit à la réputation, à la fortune et à la famille du mari : le sage Auguste, après avoir réprimé la liberté de la vengeance, soumit cette offense domestique à l’animadversion des lois : il assujettit les coupables à des confiscations et à des amendes considérables, et les relégua pour long-temps ou pour leur vie dans des îles séparées[1]. La religion condamne

  1. Jusqu’à la publication du Julius-Paulus de Schulting (l. II, tit. 26, p. 317-323) on a affirmé et on a cru que les lois Julia décernaient la peine de mort contre l’adultère ; et cette méprise est venue d’une fraude ou d’une erreur de Tribonien. Au reste, Lipse devinait la vérité, d’après le récit de Tacite (Annal., II, 50 ; III, 24 ; IV, 42), et même