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ter à l’étendue de ce sol national ; mais la guerre permettait de s’emparer des biens d’un étranger ou d’un ennemi : cet utile commerce enrichit Rome, et elle ne paya qu’avec le sang de ses citoyens les moutons des Volsques, les esclaves de la Bretagne, les pierres précieuses et l’or des royaumes de l’Asie. Dans la langue de l’ancienne jurisprudence, qui s’était corrompue et qu’on avait oubliée avant le règne de Justinien, pour distinguer ces dépouilles, on leur donnait le nom de manceps ou mancipium, prises avec la main ; et lorsqu’on les vendait ou émancipait, l’acheteur exigeait une assurance qu’elles avaient été la propriété d’un ennemi, et non pas celle d’un concitoyen[1]. Un citoyen ne pouvait perdre ses droits sur une terre qu’en l’abandonnant ; et dès que la terre avait une certaine valeur, on présumait difficilement cet abandon. Au reste, selon la loi des Douze-Tables, une prescription d’une année pour les meubles, et de deux ans pour les immeubles, abolissait les droits de l’ancien maître, si le possesseur les avait acquis par une transaction honnête de celui qu’il en croyait le légitime propriétaire[2]. Les membres d’une petite république pou-

  1. Ulpien (Fragm., tit. 18, p. 618, 619) et Bynkershoek (Opp., t. 1, p. 306-315) expliquent la res manceps d’après quelques faibles lueurs tirées de très-loin ; leur définition est un peu arbitraire ; et les auteurs n’ayant point donné de raison positive, je me défie de celle que j’ai alléguée.
  2. De la brièveté de cette prescription, Hume conclut (Essays, vol. I, p. 423) que les propriétés ne pouvaient pas