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injurieuse à la majesté de ces reines de l’Orient, ne pouvait sans indulgence s’appliquer à leurs mœurs. Une concubine, dans la stricte acception que lui donnent les jurisconsultes, était une femme d’une naissance servile et plébéienne, la compagne unique et fidèle d’un citoyen de Rome qui demeurait célibataire. Les lois qui reconnaissaient et approuvaient cette union la plaçaient au-dessous des honneurs de la femme, et au-dessus de l’infamie de la prostituée. Depuis le siècle d’Auguste jusqu’au dixième siècle, ces demi-mariages furent communs dans l’Occident ainsi qu’en Orient, et on préféra souvent les humbles vertus d’une concubine à la pompe et à l’arrogance d’une noble matrone. Les deux Antonins, les meilleurs des princes et les meilleurs des hommes, trouvèrent les douceurs de l’amour domestique dans cette espèce de liaison ; ils furent imités par une multitude de citoyens incapables de supporter le célibat, et qui ne voulaient pas se mésallier par des mariages. S’ils désiraient ensuite légitimer leurs enfans naturels, cette légitimation se faisait en célébrant leurs noces avec une femme dont ils avaient éprouvé la fécondité et la fidélité[1]. Cette épi-

  1. L’ordonnance de Constantin donna la première ce droit ; car Auguste avait défendu de prendre pour concubine une femme que l’on pouvait épouser ; et si on l’épousait ensuite, ce mariage ne changeait rien aux droits des enfans nés auparavant : on avait alors la ressource de l’adoption, proprement dite arrogation. (Note de l’Éditeur.)