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Tibère furent les premiers à adopter la science des hommes de loi comme un instrument utile à leur pouvoir, et les serviles travaux de ceux-ci adaptèrent l’ancien système à l’esprit et aux vues du despotisme. Sous le prétexte spécieux de maintenir la dignité de l’art, on statua que les seules opinions valides et reçues en justice seraient celles qui auraient été signées par des sages du rang de sénateur ou de l’ordre équestre, et approuvées par le jugement du prince ; ce monopole subsista jusqu’à l’époque où l’empereur Adrien rendit cette profession libre à tous les citoyens qui se croyaient des lumières et du talent. Le préteur, malgré son autorité, fut alors gouverné par ses maîtres ; on enjoignait aux juges de suivre le commentaire ainsi que l’esprit de la loi, et l’usage des codicilles fut une innovation mémorable qu’Auguste ratifia d’après l’avis des jurisconsultes[1].

Sectes.

Le prince le plus absolu ne pouvait exiger autre chose, sinon que les juges fussent d’accord avec les gens de loi, si les gens de loi étaient d’accord entre eux ; mais les institutions positives sont souvent le résultat de la coutume et du préjugé ; les lois et les langues sont équivoques et arbitraires ; et là où la raison ne peut prononcer, la jalousie des rivaux, la

  1. Voyez Pomponius (De origine juris Pandect., l. I, tit. 2, leg. 2, no 47 ; Heineccius, ad Instit., l. I, tit. 2, no 8 ; l. II, tit. 25, in Element. et Antiquit. ; et Gravina, p. 41-45). Quoique ce monopole ait été bien fâcheux, les écrivains du temps ne s’en plaignent pas, et il est vraisemblable qu’il fut voilé par un décret du sénat.