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permettaient pas de se former un système de lois communes ou de défense générale. Ils montraient quelques égards volontaires à la vieillesse et à la valeur ; mais chaque tribu et chaque village offrait une république séparée ; et comme on ne pouvait forcer personne, il fallait persuader tout le monde. Ils combattaient à pied, presque nus, et sans autre arme défensive qu’un, lourd et incommode bouclier. Leurs armes offensives étaient l’arc, un carquois rempli de petites flèches empoisonnées, et une longue corde qu’ils jetaient de loin adroitement, et avec laquelle ils saisissaient leur ennemi par un nœud coulant. L’ardeur, l’agilité et la hardiesse des fantassins esclavons les rendaient redoutables à la guerre ; ils nageaient, ils plongeaient, ils demeuraient long-temps sous l’eau, en respirant à l’aide d’une canne creusée, et cachaient souvent, dans une rivière ou dans un lac, une embuscade qu’on était loin d’y soupçonner ; mais c’étaient là des talens d’espions ou de maraudeurs. L’art militaire était étranger aux Esclavons ; leur nom était obscur, et leurs conquêtes ont été sans gloire[1]. J’ai dessiné quelques traits géné-

  1. Voyez sur le nom, la situation et les mœurs des Esclavons, un témoignage du sixième siècle dans Procope Goth., l. II, c. 26 ; l. III, c. 14. Voy. aussi ce qu’en dit l’empereur Maurice, Stratagemat., l. II, c. 5, apud Mascou, Annotat. 31. Je ne sache pas que les Stratagèmes de Maurice aient été imprimés ailleurs qu’à la suite de l’édition de la Tactique d’Arrien, par Scheffer, à Upsal, 1664. (Fabric., Bibl. græc., l. IV, c. 8, t. III, p. 278.) Livre rare, et que jusqu’ici je n’ai pu me procurer.