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incomparable génie, qui change en or tout ce qu’il touche. À l’exemple de Platon, il composa une république, et rédigea pour cette république un traité des lois où il force d’attribuer à une origine céleste la sagesse et la justice de la constitution des Romains. L’univers entier, selon sa sublime hypothèse, ne forme qu’une immense république : les dieux et les hommes, qu’il suppose de la même essence, sont les membres de la même communauté ; les lois naturelles et le droit des gens sont fondés sur la raison ; et toutes les institutions positives, bien que modifiées par le hasard ou par la coutume, dérivent de la règle de justice gravée par la divinité dans tous les cœurs vertueux. Il exclut doucement de ces mystères philosophiques les sceptiques qui refusent de croire, et les épicuriens qui ne veulent pas agir. Ces derniers dédaignant le soin de la république, il leur conseille de se livrer dans leurs bocages à un paisible sommeil ; mais il supplie humblement la nouvelle académie de demeurer muette, parce que, dit-il, ses audacieuses objections détruiraient la structure si bien ordonnée de son grand système[1].

  1. Perturbatricem autem omnium harum rerum academiam, hanc ab Arcesilâ et Carneade recentem, exoremus ut sileat, nam si invaserit in hæc, quæ satis scite instructa et composita videantur, nimis edet ruinas, quam quidem ego placare cupio, submovere non audeo. De legibus, I, 13. Ce passage seul devait apprendre à Bentley (Remarcks on Free-Thinking, p. 250) combien Cicéron était fermement attaché à la doctrine spécieuse qu’il a embellie.