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gares de toutes les dénominations ; ils s’arrogeaient un vague empire sur tout ce qui portait le nom d’Esclavons, et leur marche rapide ne put être arrêtée que par la mer Baltique ou bien par le grand froid et l’extrême pauvreté des pays du nord ; mais il paraît qu’une même race d’Esclavons est toujours demeurée en possession des mêmes pays. Leurs diverses peuplades, soit même qu’elles se trouvassent éloignées ou ennemies, parlaient la même langue, c’est-à-dire, un idiome irrégulier et désagréable à l’oreille : on les reconnaissait à leur ressemblance ; ils n’étaient pas basanés comme les Tartares ; et pour la taille et le teint, ils approchaient, quoique avec quelque différence, de la stature élevée et de la peau blanche des Germains. Ils habitaient quatre mille six cents villages[1] répandus dans les provinces de la Russie et de la Pologne ; leurs huttes étaient construites à la hâte, de bois mal taillés, seuls matériaux dont ils pussent faire usage dans un pays manquant de pierres et de fer. Ce serait faire honneur peut-être à ces huttes élevées ou plutôt cachées au fond des bois, sur les bords des rivières et des marais, que de les comparer aux habitations du castor ; elles leur ressemblaient par une double

  1. Ce nombre est le résultat d’une liste particulière qu’offre un fragment manuscrit de l’année 550, trouvé dans la Bibliothéque de Milan. L’obscure géographie de ce temps a exercé la patience du comte du Buat. (t. XI, p. 69-189.) Le ministre français se perd souvent dans des déserts où il aurait besoin d’un guide saxon ou polonais.