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leurs subsides annuels. Ces Barbares s’emparèrent aussitôt des fortifications qui gardaient le fleuve et qui se trouvaient désertes depuis le départ des Goths ; ils plantèrent leurs drapeaux sur les murs de Sirmium et de Belgrade ; et le ton ironique de leur apologie aggravait cette insulte faite à la majesté de l’empire. « Vos domaines sont si étendus, ô César ! disaient-ils à l’empereur, vos villes sont en si grand nombre, que vous cherchez continuellement des nations auxquelles vous puissiez, dans la paix ou dans la guerre, abandonner ces inutiles possessions. Les braves Gépides sont vos fidèles alliés ; et s’ils ont anticipé vos dons, ils ont montré une juste confiance en vos bontés. » Le moyen de vengeance qu’adopta Justinien justifia leur présomption. Au lieu de soutenir les droits du souverain chargé de protéger ses sujets, l’empereur engagea un peuple étranger à envahir les provinces romaines situées entre le Danube et les Alpes, et l’ambition des Gépides fut réprimée par les Lombards[1], dont la puissance et la réputation

  1. Gens Germanâ feritate ferocior, dit Velleius Paterculus, en parlant des Lombards, II, 106. Langobardos paucitas nobilitat. Plurimis ac valentissimis nationibus cincti, non per obsequium, sed præliis et periclitando tuti sunt. (Tacite, De moribus german., c. 40. Voyez aussi Strabon l. VII, p. 446) Les meilleurs géographes les placent au-delà de l’Elbe, dans l’évêché de Magdebourg et la moyenne Marche de Brandebourg ; cette position s’accorde avec la remarque patriotique de M. le comte de Hertzberg, qui observe que la plupart des conquérans barbares sortirent des pays qui recrutent aujourd’hui les armées de la Prusse.