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précipitèrent dans la ville, et la garnison qui s’enfuyait fut arrêtée avant qu’elle eût gagné la porte de Centumcellæ. Un soldat élevé à l’école de Bélisaire, Paul de Cilicie, se retira avec quatre cents hommes dans le môle d’Adrien. Ces braves gens repoussèrent les Goths ; mais ils étaient menacés de la famine, et leur aversion pour la chair de cheval les confirma dans la résolution désespérée de risquer une sortie décisive ; mais leur courage céda insensiblement à l’offre d’une capitulation. Ils reçurent, en s’engageant au service de Totila, les arrérages de la solde que leur devait l’empereur, et conservèrent leurs armes et leurs chevaux. Leurs chefs s’étant excusés sur une louable affection pour leurs familles, qu’ils avaient laissées dans l’Orient, furent renvoyés avec honneur, et la clémence du vainqueur épargna plus de quatre cents guerriers qui s’étaient réfugiés dans les églises. Le roi des Goths ne songeait plus à renverser les édifices de Rome[1], où il voulait établir le siége de son gouvernement ; il rappela le sénat et le peuple ; il leur fournit des vivres en abondance ; et, revêtu d’un habit de paix, il donna des jeux équestres dans

  1. Les Romains étaient toujours attachés aux monumens de leurs ancêtres ; et selon Procope (Goth., l. IV, c. 22) la galère d’Énée, à un seul rang de rames, de vingt-cinq pieds de largeur et de cent vingt de longueur, se conservait bien entière dans le Navalia, près du mont Testaceo, au pied de l’Aventin (Nardini, Roma antica, l. VII, c. 9, p. 466 ; Donatus, Roma antiqua, l. IV, c. 13, p. 334) ; mais cette précieuse relique est demeurée inconnue à tous les auteurs de l’antiquité.