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de l’Europe depuis la Sicile jusqu’à la mer Baltique. Après un intervalle de dix siècles, le règne de la violence légale n’était pas encore totalement anéanti ; et les censures inutiles des saints, des papes et des synodes, semblent prouver que l’influence de la superstition s’affaiblit lorsque, contre les lois de la nature, elle s’associe à la raison et à l’humanité. Les tribunaux furent teints du sang de citoyens peut-être innocens et même respectables ; la loi qui favorise aujourd’hui l’opulence, cédait alors à la force ; les vieillards, les faibles et les infirmes, étaient contraints d’abandonner leurs droits évidens et leurs possessions, ou de s’exposer aux dangers d’un combat inégal[1], ou bien de confier la défense de leur fortune, de leur honneur et de leur vie, au zèle suspect d’un champion mercenaire. Ceux des anciens habitans de la Gaule, qui se plaignaient d’avoir été lésés dans leur personne ou dans leur fortune, furent soumis à cette tyrannique jurisprudence. Quels que fussent en général la force et le courage des particuliers, les conquérans barbares excellaient dans l’exercice des armes, dont ils faisaient leur plaisir et leur unique occupation ; et il était injuste de faire répéter au Romain une épreuve personnelle et san-

  1. Accidit, dit Agobard, ut non solùm valentes viribus, sed etiam infirmi et senes lacessantur, ad pugnam etiam pro vilissimis rebus. Quibus foralibus certaminibus contingunt homicidia injusta, et credules ac perversi eventus judiciorum. Il supprime adroitement le privilége de louer ou de payer un champion.