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Mais, le Romantisme n’était pas « docte » au grand sens, tout au plus curieux de l’Histoire, ce qui, d’ailleurs, eut grande importance. Il était avant tout exaltateur du Verbe, novateur en prosodie et en rythmique, — et si, par là, il s’oppose au xviie siècle et se rattache aux poètes de la Pléiade, il repousse du xvie, comme du xviiie, l’inspiration scientifique.

Certes, Du Bartas demeure sévèrement dans le dogme religieux et nous ne trouvons point en lui cet antagonisme latent si intéressant en Jean de Meung, d’un concept philosophique prenant naissance dans la nature, et d’une soumission très droite au Dogme : antinomie qu’il résout en plaçant les lois de Nature sous les lois de Dieu. Quand Du Bartas regarde la nature évoluer, développer ses phénomènes, immédiatement il a soin d’exprimer que ce n’est point en elle, immanent, que réside le principe de vie et de mutabilité :

« Mais le Monde jamais n’eût changé de visage.
Si du grand Dieu sans pair le tout-puissant langage
N’eût comme siringué dedans ses membres morts
Je ne sais quel esprit qui meut tout ce grand corps ! »