Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 4.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous défendez l’adultère et vous le commettez ; nous, nous ne naissons hommes que pour nos épouses. Chez vous le crime commis est le seul puni, chez nous la seule pensée de le commettre est déjà un crime ; vous craignez des témoins, nous ne craignons que notre conscience qui nous suit partout, enfin les prisons regorgent des vôtres, et là pas un seul Chrétien autre qu’un défenseur ou un transfuge du Christ.

XXXVI. Que personne ne cherche dans le destin ni consolation ni excuse ; faites, si vous voulez, de l’événement l’œuvre de la fortune ; l’esprit est toujours libre. Aussi dans l’homme est-ce la conduite et non la condition qui est jugée. Qu’est-ce que le destin, sinon l’arrêt que Dieu a prononcé sur chacun de nous ? Dieu prévoit l’avenir, dès lors il règle les destinées des hommes d’après les mérites et les qualités qu’il a prévus. Ainsi donc il punit, non la naissance, mais les dispositions. C’est assez sur le destin, trop peu peut-être pour la circonstance ; mais nous agiterons cette question une autre fois avec plus de développement et de clarté. On nous dit presque tous pauvres ; nous en faisons gloire, loin d’en rougir. L’abondance énerve, la privation fortifie. Est-il pauvre celui qui n’a besoin de rien, qui n’envie pas le bien d’autrui, qui a Dieu pour trésor ? Le vrai pauvre, c’est l’homme qui possédant beaucoup désire encore davantage. Je dirai tout ce que je pense : personne ne vit aussi pauvre qu’il est né ; les oiseaux trouvent leur nourriture sans avoir rien en propre ; chaque jour fournit à leur subsistance ; toutefois ils sont nés pour nous. Nous possédons tout, dès lorsque nous ne désirons rien. On marche d’un pas d’autant plus libre qu’on a moins de charge. Ainsi, dans le voyage de la vie, le plus à l’aise c’est l’homme dont la pauvreté allège le fardeau, et non celui qui gémit sous le poids des richesses ; si nous les jugions bonnes, nous les demanderions à Dieu ; il pourrait sans doute nous en accorder, puisque tout est à lui. Mais nous aimons mieux les mépriser que les posséder, nous désirons plutôt l’innocence du cœur ; nous demandons, avant tout, la patience ; nous voulons être vertueux plutôt que prodigues. Si nous passons par les maux de la vie, c’est