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égaler, au mépris du bon sens, la matière changeante, périssable et corruptible, à Dieu, être incréé, éternel, et toujours semblable à lui-même.

Les stoïciens prétendent que Jupiter est le feu, Junon l’air, comme l’indique son nom, si on l’ajoute à lui-même, et Neptune l’eau. Il en est d’autres cependant qui interprètent différemment les noms de ces dieux ; car les uns regardent Jupiter comme l’air, qui de sa nature est mâle et femelle tout à la fois ; d’autres veulent qu’il soit cette saison de l’année qui ramène la sérénité ; ils expliquent par là comment il échappa seul à la voracité de Saturne. Quant aux stoïciens, on peut argumenter ainsi avec eux : si vous reconnaissez un seul Dieu suprême, éternel, incréé ; si vous dites qu’il existe autant de corps différents que la matière peut subir de changement, et que l’esprit de Dieu qui s’insinue dans la matière reçoit divers noms selon les divers changements qu’elle peut subir, il s’ensuit que chaque forme différente qu’elle aura revêtue sera le corps de Dieu. Or, puisque vous croyez que les éléments seront un jour consumés par le feu, il faudra aussi nécessairement que les noms donnés à ces diverses formes de matière périssent avec elles, et que l’esprit de Dieu survive seul. Peut-on regarder comme des dieux de pareils êtres qui sont, ainsi que la matière, sujets au changement et à la corruption ? Et contre ceux qui prétendent que Saturne est le temps, et Rhéa, la terre ; que celle-ci enfante et conçoit de Saturne, ce qui la fait regarder comme la mère commune, tandis que son époux engendre et dévore les enfants qu’il a engendrés ; que la mutilation de ce dernier ne signifie autre chose que l’union de l’homme avec la femme, par laquelle la semence, comme détachée du corps de l’homme, passe dans le sein de la femme et y produit un homme auquel s’attache l’amour du plaisir, c’est-à-dire Vénus ; que la fureur de Saturne contre ses enfants représente la succession du temps qui altère la constitution des êtres, soit animés, soit inanimés ; et que ses fers et le Tartare sont le temps lui-même qui change et s’évanouit avec les saisons ; contre ceux-là, dis-je, nous raisonnons de cette manière : si