Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 1.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auteur de l’histoire des Chaldéens. Parvenue on ne sait comment sur les bords de la Campanie, elle vint prophétiser à Cumes, qui est à six mille de Baïes, où sont les thermes campaniens. Étant allé nous-même dans cette ville, nous avons vu une grande chapelle construite et creusée dans un rocher d’un seul bloc ; c’était un travail d’une grande beauté et admirable à voir : c’est là que la sibylle rendait ses oracles, s’il faut en croire ceux qui l’avaient appris de leurs ancêtres, comme une tradition particulière au pays. On voyait au milieu de la chapelle trois réservoirs taillés tous dans le même rocher : c’est là que la sibylle faisait ses ablutions ; après avoir repris ses vêtements, elle se retirait dans le sanctuaire de la chapelle, lequel était creusé dans le même rocher, et assise au milieu de ce sanctuaire, sur un trône élevé, elle prophétisait. Si je ne me trompe, beaucoup d’auteurs ont parlé de cette sibylle comme d’une prophétesse, et entr’autres Platon dans son Phédon. Après avoir lu ses oracles, il n’a plus douté que les prophètes ne fussent des hommes divins ; car il a pu voir que l’événement avait justifié ses prédictions. C’est ainsi que, dans son livre de Ménon, il parle avec admiration et enthousiasme des prophètes : « C’est avec raison que l’on appelle hommes divins ceux qu’on nomme prophètes. Comment, en effet, ne seraient-ils pas divins, inspirés d’en haut, transportés par l’esprit de Dieu, ces hommes qui disent tant de choses sublimes sans les comprendre eux-mêmes ! »

Il est évident que Platon avait ici en vue les vers de la sibylle, car celle-ci ne faisait point comme les poëtes qui, après avoir écrit leurs vers, peuvent à loisir les retoucher, les polir, surtout dans ce qui concerne les règles de la versification ; ils sortaient de sa bouche tout composés, dans le moment de l’inspiration, et ce moment passé, elle en perdait le souvenir. C’est peut-être la raison pour laquelle tous les vers de la sibylle n’ont pas la mesure. Pendant notre séjour dans cette ville, nous avons appris ces détails des guides qui nous montrèrent le lieu où la sibylle prophétisait, et le petit tombeau d’airain, où disaient-ils, étaient renfermés ses restes. Ils nous racontèrent encore