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il rejette la joie, il aime les jeûnes et la chasteté stérile, et condamne le plaisir. Quel bien nous peut faire celui qui n’a pu se garantir de la persécution des plus misérables des hommes ? Je te le dis, afin que tu abandonnes une vie aussi austère, pour jouir du bonheur de ce monde avec la joie qui convient à ton âge.

« Je ne me laisse pas toucher à cette feinte et cruelle compassion, répond Épipode. Vous ne savez pas que Jésus-Christ, notre Seigneur éternel, est ressuscité après avoir été crucifié, comme vous le dites, et par un mystère ineffable, étant homme et Dieu tout ensemble, il a ouvert aux siens le chemin de l’immortalité. Êtes-vous assez aveugles pour ignorer que l’homme est composé de deux substances, d’une âme et d’un corps ? Chez nous, l’âme commande, le corps obéit. Les infamies que vous commettez en l’honneur de vos démons donnent du plaisir au corps et tuent les âmes. Pour nous, nous faisons la guerre au corps en faveur de l’âme. Vous, après vous être rassasiés de plaisirs comme les bêtes, vous ne trouverez à la fin de cette vie qu’une triste mort. Nous, quand vous nous faites périr, nous entrons dans une vie éternelle. »

Le juge, irrité de cette réponse, le fait frapper sur la bouche. Épipode, ayant les dents brisées, disait : « Je confesse que Jésus-Christ est Dieu avec le Père et le Saint-Esprit ; il est juste que je rende mon âme à celui qui m’a créé et qui m’a racheté. Ce n’est pas perdre la vie, c’est la changer en une meilleure. » Outré par ces paroles, le juge le fait pendre au chevalet, et deux licteurs viennent de deux côtés pour le déchirer avec les ongles de fer. Alors s’élève un cri terrible de la multitude, qui demande qu’on le lui abandonne pour l’accabler d’une grêle de pierres ou le mettre en pièces, car le juge n’allait pas assez vite à son gré. Celui-ci craignit qu’elle n’en vînt à une sédition et ne perdît le respect de sa dignité ; et, pour prévenir le mal, il fit éloigner le martyr de son tribunal, et lui fit couper la tête.

Après un jour d’intervalle, le gouverneur ordonne qu’on amène Alexandre devant lui. « Tu peux encore profiter de