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Saint Anicet céda à saint Polycarpe l’honneur de consacrer l’Eucharistie. Le séjour de ce saint évêque à Rome servit à faire rentrer dans l’Église un grand nombre d’hérétiques marcionites et valentiniens. Saint Polycarpe était le chef et le premier des évêques d’Asie, et tellement révéré de tous les fidèles, qu’on ne souffrait pas qu’il ôtât sa chaussure lui-même, chacun, pour avoir le bonheur de le toucher, s’empressant de lui rendre ce service.

Saint Polycarpe était évêque depuis plus de soixante ans, lorsqu’il fut arrêté et qu’il versa son sang pour Jésus-Christ avec plusieurs fidèles de son Église.

Saint Polycarpe s’était retiré à la campagne, dans une maison peu éloignée de la ville, afin de fuir la persécution. Son occupation jour et nuit était de prier pour toutes les Églises du monde, comme il avait coutume de le faire. Peu de jours après il fut arrêté et conduit au supplice. Polycarpe paraît sur la place où le peuple était assemblé. On le présente au proconsul, qui, après lui avoir demandé son nom, l’exhorte à avoir pitié de son âge, à obéir. Il ajoute : « Rentre en toi-même, et dis : Ôtez les impies ! » C’était l’acclamation en usage contre les Chrétiens. Alors le saint évêque, regardant d’un visage sévère la multitude qui était sur la place, étend la main, lève les yeux au ciel, et dit en soupirant : Ôtez les impies ! témoignant le désir ardent qu’il avait de leur conversion. Le proconsul le pressait en disant : « Maudis le Christ, et je te laisserai aller. — Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a jamais fait de mal. Comment pourrais-je blasphémer contre celui qui m’a sauvé ? » Le proconsul lui dit : « Jure par la fortune des Césars. — Si vous ne savez pas, dit le saint évêque, qui je suis, je le dirai librement ; écoutez-le : Je suis Chrétien. Si vous voulez savoir ce que c’est qu’un Chrétien, indiquez-moi un jour, et je vous l’apprendrai. — Apprends-le au peuple. » Saint Polycarpe répond : « J’ai bien voulu vous parler, parce que nous regardons comme un devoir de rendre aux princes et aux magistrats établis de Dieu l’honneur qui leur est dû, autant que nous le pouvons faire