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persécution se soit rallumée. C’est sous Trajan qu’elle recommença. Trajan, Espagnol d’origine, commandait une armée en Germanie, quand il fut adopté par Nerva et nommé César. Il dompta les Daces, et donna un roi aux Parthes. Il avait de grandes qualités, et il disait souvent qu’il fallait que ses sujets le trouvassent tel qu’il eût voulu trouver l’empereur, s’il eût été citoyen ; mais malgré cette modération, l’histoire le compte parmi les persécuteurs des Chrétiens.

Trajan, passant par Antioche pour aller faire la guerre aux Parthes, fit amener devant lui Ignace, qui avait vu Jésus-Christ et les apôtres, et qui avait été placé par saint Jean et saint Pierre sur le siége de la première ville de Syrie. Pendant la persécution de Domitien, saint Ignace avait gouverné l’Église d’Antioche avec une grande sagesse ; mais il s’affligeait profondément de n’avoir pas été trouvé digne de mourir pour Jésus-Christ. Ce qu’il n’avait pas obtenu de Domitien, il l’obtiendra de Trajan. L’antiquité chrétienne nous a conservé le dialogue entre le disciple de Jésus-Christ et l’empereur païen. « Qui est celui, dit l’empereur, quand Ignace fut en sa présence, qui ose mépriser mes ordres et persuader aux autres de se perdre ? — Mon nom est Théophore, répondit Ignace (c’était ainsi qu’on le nommait, comme portant Dieu en lui). — L’Empereur : Qui est celui qui porte Dieu ? — Ignace : Celui qui a Jésus-Christ dans le cœur. — L’Empereur : Tu crois donc que nous n’avons pas dans le cœur les dieux qui combattent avec nous contre nos ennemis ? — Ignace : Vous vous trompez en nommant dieux les démons des gentils. Il n’y a qu’un Dieu qui a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent ; et il n’y a qu’un seul Jésus-Christ, le fils unique de Dieu, au royaume duquel j’aspire. — L’Empereur : Tu parles de celui qui a été crucifié sous Ponce-Pilate ? — Ignace : Celui qui a crucifié le péché avec son auteur, et qui met toute la nature et les démons sous les pieds de ceux qui le portent dans le cœur. ».

La sentence de Trajan ne se fit pas attendre. Elle est ainsi conçue : « Nous ordonnons qu’Ignace, qui dit porter en lui le