Cla. Tout cela m’a paru charmant, je vous l’ai dit ; mais à mon âge on n’eſt pas en état de bien juger ; on n’a que des connoiſſances ſi imparfaites, ſi bornées —
Ros. À votre âge ! — Mais vous ignorez donc que nous ſommes de même âge.
Cla. Non, je le ſavois —
Ros. Eh bien — vous voyez cependant qu’on peut à notre âge ſavoir quelque choſe —
Cla. Mais oui, c’eſt ce que je diſois.
Ros. Mais vous n’admettez pas la ſupériorité.
Cla. Oh non.
Ros. (à part.) Je crois en effet qu’elle a raiſon pour elle. (Haut.) J’ai un mal de tête inoui. Avez-vous de l’humeur quelquefois ?
Cla. Qu’eſt ce que c’eſt que de l’humeur ? du chagrin, de l’inquiétude ?
Ros. Oui, du chagrin, ſans ſujet.
Cla. Sans ſujet ! — je ne connois pas —
Ros. (hauſſant les épaules, à part.) Elle ne ſait rien. Quelle eſt mal élevée ! — (Haut.) La Fée Bienfaiſante vous a-t-elle fait apprendre quelques langues étrangères ?
Cla. Oui. Oh, elle a donné tous les ſoins imaginables à mon éducation.
Ros. (à part.) Il y paroit. (Haut.) J’en ſais quatre, moi. Et vous ?
Cla. À peu-près de même.
Ros. Et parfaitement bien ?
Cla. Oh point du tout, je ne ſais rien parfaitement.
Ros. (Elle la conſidere.) Elle eſt modeſte, du moins — Comme elle a l’air doux ! (Clarinde ſourit.) De quoi riez-vous, Clarinde ?