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pour vous & pour elles ; ce don vaut tous les autres.

La Fée. Je ne me repens point de ce que j’ai fait ; les vertus valent mieux que les charmes ; & les vertus même, que ſont-elles ſans un bon cœur ? Mais pour être heureuſe, pour être aimée, il ne ſuffit pas d’être ſenſible. J’ai conſulté pour vos filles le livre des deſtinées, & j’ai vu que leur bonheur à l’une & à l’autre dépend uniquement de préférer les qualités du cœur & de l’eſprit à tous les avantages de la figure.

Mél. Elles ſont élevées par vous, je dois donc être tranquille.

La Fée. Je donne à leur éducation tous les ſoins dont je ſuis capable, mais je vous avoue qu’elles n’y répondoient pas à mon gré. Cénie a de la douceur, d’heureuſes diſpoſitions pour apprendre ; mais elle eſt entêtée, indolente, & rarement appliquée.

Mél. Et ſa ſœur ?

La Fée. Iphiſe ; elle eſt franche, ſenſible & gaie, mais elle eſt étourdie, légere & violente. Avec cela, elles ont déjà beaucoup d’amour-propre : on leur a dit qu’elles étoient jolies ; & au lieu de ne voir dans ce compliment qu’une honnêteté d’uſage, elles l’ont pris pour une vérité. Elles ne ſont pas déſagréables, mais elles ſont fort loin d’être charmantes. — Jugez de l’avenir qu’elles ſe préparent !

Mél. Eh, mon Dieu ! de quoi pourroient-elles être vaines ? La nature leur a donné de