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Pha. Mais elle ne vaincra jamais l’effroi quelle éprouve en me regardant.

Phé. Songez donc qu’il n’y a que huit jours que vous nous avez enlevées ; &, franchement, il faut plus que huit jours pour s’accoutumer à votre figure. Si vous ne m’aviez pas miſe dans votre confidence & dans vos intérêts longtemps avant l’enlèvement, quoique je ne ſois pas auſſi timide que Zirphée, je crois que je n’oſerois pas encore vous regarder.

Pha. Vous êtes depuis l’enfance l’amie de Zirphée ; vous connoiſſez ſon cœur & ſes ſentiments : dites-moi, charmante Phédime, de bonne foi, penſez-vous à préſent que l’eſpoir que vous m’avez donné quelque-fois, ne ſoit pas abſolument chimérique ?

Phé. Il faut donc toujours vous répéter la même choſe ? Eh bien ! Zirphée eſt ſenſible ; ſon eſprit eſt auſſi délicat que ſon cœur eſt produire de vives impreſſions ſur une âme telle que la ſienne ; eſpérez tout du temps.

Pha. Mais malgré les fêtes, les plaiſirs que je lui procure, elle paroît s’ennuyer dans ce palais.

Phé. Cependant elle eſt charmée d’y être. Orpheline & tyranniſée par des parents injuſtes & cruels, elle alloit être ſacrifiée à leur ambition, quand vous nous avez heureuſement enlevées.

Pha. Zirphée alloit être unie à un objet indigne d’elle, & qu’elle n’eſtimoit pas ; mais, hélas ! depuis qu’elle m’a vu, peut-être le regrette-t-elle !