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quand, retrouvant engagé sans retour l’objet que j’avois dédaigné, je sentis naître dans mon cœur ces regrets affreux qui le déchirent ! Heureux & tranquille jusqu’alors, quelle passion impétueuse & rapide vint bouleverser mes idées, détruire mon repos, & s’emparer de toutes les facultés de mon ame ! Ami d’un rival insensible à tant de charmes, j’enviois une félicité dont lui seul ignoroit le prix ! Pour comble de tourmens, il me fallut recevoir les cruelles confidences de Léontine. Qu’elle ame elle me fit connoître ! Quelle sensibilité ! Quelle délicatesse ! Ce fut alors, qu’éperdu, désespéré, je voulus fuir. Mais elle me retint avec ces mots si sacrés pour moi. « Votre amitié m’est nécessaire : vous pouvez m’être utile ». Je restai, je lui consacrai ma vie ; je m’immolai pour elle : mais connoissant ma foiblesse, un reste de raison m’apprit à m’en défier. En la servant, en lui donnant des conseils, je m’armai d’un extérieur froid & sévère, je m’interdis jusqu’aux plus simples expressions de l’amitié. J’écoutai ses gémissemens : je vis couler les larmes avec l’appa-