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Léontine.

Il falloit me contenter d’un ami. Je voyois chaque jour ses soins diminuer ; une tendresse indolente & paisible, succéder à cette passion si vive. Sans objet de jalousie, sans raison aux yeux du monde, je devins fâcheuse, parce que je me trouvois à plaindre. Bientôt je me rendis importune & désagréable. J’éclatai ; on osa me parler en maître ; le ressentiment, la fierté se joignirent à l’amour mécontent, & je ne connus plus de bornes. Sans le Vicomte, vous n’ignorez pas à quelles extrémités je me serois portée. Enfin, je parvins à me faire haïr… Ô souvenir cruel de ce temps affreux de discorde, de reproche mutuels !

Dorothée.

Si l’on eût partagé l’excès de votre passion, quelle félicité eût égalé la vôtre !

Léontine.

Eh ! voilà ce qui n’est pas possible. Il m’aimoit à sa manière, comme les hommes savent aimer, en me négligeant, en se livrant à toutes