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Mlle DE CLERMONT.

cieuse et si rare, sur-tout dans les personnes de son rang. Simple, naturelle, parlant peu, elle s’exprimoit toujours avec agrément et justesse : on trouvoit dans son entretien autant de raison que de charme. Le son de sa voix s’insinuoit jusqu’au fond du cœur, et un air de sentiment, répandu sur toute sa personne, donnoit de l’intérêt à ses moindres actions. Telle étoit mademoiselle de Clermont à vingt ans. Paisible, admirée, sans passions, sans foiblesse, heureuse alors… monsieur le duc, son frère[1], la chérissoit ; mais naturellement imposant et sévère, il avoit sur elle la supériorité et tout l’ascendant que devoient lui donner son caractère, l’âge, l’expérience et le rôle qu’il jouoit dans le monde ; aussi n’eut-elle jamais pour lui qu’une tendresse craintive et réservée, qui ressembloit moins à l’amitié d’une sœur, qu’à l’attachement d’une fille ti-

  1. Prince du sang, et premier ministre dans la jeunesse de Louis XV. On l’appeloit Monsieur le Duc, sans ajouter son nom, comme on avoit désigné le grand Condé par le titre de Monsieur le Prince.