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LE BONHOMME.

pas, et j’entendis pleurer et gémir ; j’arrêtai le cheval, et jetant les yeux sur la terrasse, je vis un jeune garçon qui fondoit en larmes. Sa figure et sa douleur m’intéressèrent ; je dis à Jacquot d’aller avec mon cabriolet, chez madame de Béville, et que je m’y rendrois à pied. Je descendis de la voiture, Jacquot partit ; je montai sur le talus au haut duquel se trouve la palissade de la terrasse, et j’appelai le jeune homme ; il vint ; « Qu’avez-vous, mon ami ? lui dis-je, vous a-t-on battu ? — Non, monsieur. — Pourquoi pleurez-vous si amèrement ? — Oh ! monsieur, je ne peux pas dire cela. À ces mots je le pressai si vivement, qu’il me conta qu’il s’affligeoit de ce qu’on avoit coupé et pris toutes les fleurs d’un rosier qu’il cultivoit. — Mais, lui dis-je, vous trouverez d’autres rosiers dans le village, et voilà un louis pour en acheter. — Ah ! monsieur, si vous étiez venu une heure plutôt ! à présent, il n’est plus temps…

— Pourquoi donc ? — Monsieur, je voulois donner ces roses… à quelqu’un qui va passer… — Une jeune fille ? — Oui,