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LA PRINCESSE

peu sensible ; il n’avoit point de passions vives, et, comme tous les princes indolens, il étoit foible parce qu’il éprouvoit toujours le besoin d’être mené. Il avoit laissé prendre un ascendant su­prême, sinon sur son cœur, du moins sur son esprit, à la belle princesse des Ursins qui, depuis huit ans, gouvernoit despotiquement et Philippe et l’Espagne. Née Française, et de l’illustre maison de la Trémouille, madame des Ursins joignoit les grâces les plus attrayantes à la beauté la plus régulière ; son esprit et son caractère sembloient faits pour sa place : l’un étoit fin, pénétrant ; l’autre, insinuant, souple et dissimulé. L’ambi­tion fut sa seule passion ; plaire et se faire aimer n’étoient pour elle que des moyens de dominer. Si le ciel l’eût pla­cée sur le trône, elle auroit eu des mœurs austères. Elle profita des foiblesses de l’amour, en les dédaignant, et même sans les comprendre, elle n’avoit voulu séduire que pour régner. Une femme de ce caractère doit conserver long-temps le même charme aux yeux de son amant.