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LE MALENCONTREUX.

tout depuis que je savois qu’il avoit aussi un goût passionné pour l’agriculture et pour les défrichemens. En nous entretenant des voyages de sa jeunesse, il parla tout d’un coup avec la plus grande sensibilité, de mon oncle qu’il avoit connu à Bordeaux, et dont il avoit reçu des services essentiels. Je fus très-ému : M. Merton remarqua mon trouble, me questionna vivement, et je ne pus me défendre de lui avouer la vérité. Quoi ! s’écria-t-il avec transport, vous êtes le neveu de cet excellent homme ! vous portez son nom !… Ici il s’arrêta, me secoua la main en silence ; ensuite il se retourna, fit quelques pas dans la chambre, et, revenant à moi, il me secoua encore la main, en me disant : Je vous prouverai que les Anglois sont reconnoissans. En disant ces paroles, il me serra si violemment la main que j’en eus deux doigts coupés au vif par un anneau d’or que je portois toujours ; mais je ne m’en plaignis pas, je sentis tout le prix de cette action, et j’en fus extrêmement attendri.

Je contai tous ces détails à mon ami