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LE MALENCONTREUX.

tous ces terrains et les couvrir de cultures et de hameaux ; ce qui me paroissoit, en effet, un vrai plaisir de roi. Comme je réfléchissois, en cheminant, sur le bonheur que peut procurer la suprême puissance, une voiture légère passa rapidement près de moi ; j’allois dans ce moment au pas, mais mon cheval prit de l’ardeur et se mit à galopper : j’atteignis la chaise de poste, et modérant mon cheval, je le contraignis à ne point passer cette voiture dont je touchois presque la portière. Je jetai les yeux sur les personnes qui étoient dans la voiture, et je vis une vieille femme-de-chambre et une jeune demoiselle d’une très-belle figure. Elle rougit et pâlit en me regardant, ce qui ne me surprit point, parce que j’avois beaucoup entendu parler de la modestie des dames angloises ; mais voyant augmenter sa pâleur, et qu’elle laissoit tomber sa tête sur l’épaule de sa compagne, je connus qu’elle se trouvoit mal, et je criai au postillon d’arrêter, ce qu’il fit aussitôt. Alors la jeune personne, baissant la glace de mon côté, me surprit étrange-