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LE MALENCONTREUX.

me devoit la vie ; et ma servante, mes voisins, n’en doutèrent pas.

Mon guignon, en tout ceci, fut sans doute fort remarquable ; il falloit que madame D*** se fût avisée de faire un enfant à quarante-neuf ans ; qu’elle eût eu l’idée singulière de m’en faire présent ; que j’eusse eu la bonhomie de l’accepter, pour que l’on pût croire que j’avois épousé secrètement une femme qui, par son âge, pouvoit être ma mère, et qui venoit de s’enrôler dans une troupe de comédiens. Cette aventure me fit peu d’honneur dans le Holstein. Je parvins à désabuser mes amis sur ce prétendu mariage ; mais rien ne put leur ôter de la tête que le petit Joseph (c’est le nom de l’enfant) étoit mon fils : au reste, je pris facilement mon parti là-dessus ; j’aime beaucoup les enfans, et je m’attachai extrêmement à Joseph, qui annonçoit beaucoup de douceur et de gaîté. Je formai le projet de l’élever avec soin ; je sentis tout ce qui me manquoit comme instituteur, et, voulant du moins acquérir quelques connoissances littéraires,