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LE MALENCONTREUX.

plus que du bien que j’ai fait !… tout le reste est un songe, évanoui sans retour !… en apercevant le village je sentis mon cœur se dilater ; je me représentois l’étonnement et la joie qu’éprouveroient mes anciens vassaux, en me voyant ainsi paroître inopinément !… Je pressai mon cheval, mais je fus obligé de m’arrêter, parce qu’une sangle de la selle se rompit. Je mis pied à terre pour la raccommoder. Dans ce moment un jeune paysan passa près de moi. Je lui demandai si le vieux Bernard vivoit encore ; il me répondit qu’il étoit en parfaite santé. Eh bien ! mon enfant, repris-je, allez lui dire qu’il va recevoir la visite de son ancien ami Kerkalis… Comment, interrompit vivement le paysan, vous êtes le ci-devant baron de Kerkalis ? — Oui, mon enfant. À ces mots le paysan prit ses jambes à son cou, et s’élança vers le village avec une telle impétuosité, que je le perdis de vue en moins de trois minutes. Cet empressement extraordinaire m’annonçait l’accueil le plus flatteur ; les larmes me vinrent aux yeux. Ah ! m’écriai-je, qu’il