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AVANT-PROPOS

L’ouvrage que je présente aujourd’hui au public n’est pas une histoire du Jansénisme ; pour écrire une pareille histoire, il faudrait croire à l’existence de ce fantôme ; il faudrait être persuadé qu’il y a eu de par le monde, au XVIIe siècle et depuis, des Jansénistes en chair et en os. Or les Jésuites et leurs adhérents sont les seuls qui croient avoir rencontré ce phénomène, ou plutôt ce monstre, comparable aux hippogriphes ou aux licornes. Il n’y a jamais eu de véritables Jansénistes, puisque le premier soin de tous ceux que l’on appelle ainsi est de flétrir avec énergie, comme le faisait déjà en 1657 l’auteur de la XVIIe Provinciale, la doctrine décourageante, désolante et impie des cinq propositions dites de Jansénius. Ils protestent en outre de leur passion pour l’orthodoxie et de leur ardent désir de demeurer dans la barque de Pierre, la seule qui puisse arriver au port. Ils disent bien haut, comme le Père Quesnel répondant à Fénelon en 1711 : « … J’ai en horreur tout parti, soit dans l’État ou dans l’Église. Mon nom est Chrétien ; mon surnom est Catholique ; mon parti est l’Église ; mon chef est Jésus-Christ ; ma loi, c’est l’Évangile ; les évêques sont mes Pères, et le Souverain Pontife est le premier de tous. » Assoiffés d’orthodoxie, ils ont en horreur, comme le disait encore Quesnel, « l’esprit de schisme et tout ce qui en approche » ; Singlin disait même que le schisme est chose pire que l’hérésie, et que l’Église la tolère parfois pour empêcher l’autre. Les prétendus jansénistes ont toujours été des pa-