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chapitre II

Royal, et l’histoire doit lui en tenir compte. Les exhortations du nouveau prédicateur produisirent l’effet qu’en attendait l’évêque de Langres ; il ne cessait d’en remercier Dieu, dit encore Racine, il était dans le ravissement. La Mère Angélique aussi était dans le ravissement, et elle jugeait qu’elle avait enfin trouvé ce qu’elle cherchait depuis 1622, un nouveau François de Sales ; elle et ses sœurs témoignèrent donc à Saint-Cyran une confiance dont l’évêque de Langres fut enchanté, car il était toujours sous le charme. Mais peu à peu, sous l’influence d’une bigote qui résistait à la grâce et qui n’aimait pas le nouveau venu, Zamet se refroidit, il fut piqué au vif en voyant qu’on lui préférait manifestement le simple prêtre qu’il avait introduit et dont il semblait être le chapelain. « Comme il avait l’esprit fort faible, dit encore Racine, il entra dans une furieuse jalousie ; il se dégoûta de son institut ; il rompit avec les religieuses ; il se ligua avec les ennemis de l’abbé de Saint-Cyran, et, ce qu’on aura peine à comprendre, il donna même au cardinal de Richelieu des mémoires contre lui[1]. »

Ces ennemis de Saint-Cyran, avec lesquels se liguait le vindicatif évêque de Langres, c’étaient les Jésuites, qui le haïssaient mortellement depuis les affaires de Bauny, de Garasse et des Jésuites d’Angleterre, et c’est la première fois qu’on les voit apparaître dans l’histoire de Port-Royal. Jusqu’en 1635, époque du revirement de Zamet, ils semblaient ignorer absolument l’existence de ce monastère ; ils ne s’étaient pas aperçus que son abbesse était la fille du célèbre avocat qui jadis


  1. Lorsque l’innocence de Saint-Cyran fut reconnue, Zamet comprit qu’il s’était déshonoré, et il alla se cacher dans son diocèse, observant ainsi malgré lui la résidence dont Saint-Cyran lui avait fait un devoir. Il y mourut en 1655.
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