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JOSEPH GAYDA




Ce Brigand d’Amour !




UN AMOUR AUX CHAMPS



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E soir tombait.

Depuis près d’une heure le soleil avait disparu par delà l’horizon, derrière les grands chênes, et, tandis que la lumière s’éteignait peu à peu du côté de l’Orient, au couchant de larges raies rouge-feu barraient le ciel au-dessus des bois.

Au loin, dans les seigles fraîchement coupés, les grillons chantaient, unissant leur bruit monotone de crécelle aux derniers gazouillements des oiseaux.

L’ombre, descendant des collines prochaines, répandait sa fraîcheur autour de la ferme mal abritée tout le long du jour par quelques maigres ormeaux. Les garçons de labour, déjà rentrés, dételaient les charrues, rangeaient les socs contre le mur de l’étable où les bœufs, en s’ébrouant, faisaient sonner les chaînes de fer de leurs colliers sur l’anneau fixé aux mangeoires remplies de crêtes de millet. Les poules caquetaient encore en se tassant dans le poulailler et les pintades, perchées pour la nuit au sommet des ormeaux, finissaient leurs cris suraigus.

À côté du pigeonnier carré dressé près de la mare, en avant de la ferme, comme une sentinelle, se tenait une petite vieille, le visage ridé, vêtue d’un caraco boutonné sur une grossière chemise de toile bise et d’une courte jupe de futaine laissant à découvert le bas des jambes et les pieds nus. Elle se promenait, donnant par instant des marques d’impatience, les regards fixés vers le chemin creux qui mène aux abreuvoirs.

Anthologie Contemporaine
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Vol.40. Série IV (No 4)
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