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La ravaudeuse, logée, comme Diogène, dans un tonneau surmonté d’une niche à statue faite avec des cerceaux et de la toile-cirée, est encore une curiosité disparue.

Il faut faire une battue dans Paris, comme en fait un chasseur dans les plaines environnantes pour y trouver un gibier quelconque, et passer plusieurs jours avant d’apercevoir une de ces fragiles boutiques, autrefois comptées par milliers, et composées d’une table, d’une chaise, d’un gueux pour se chauffer, d’un fourneau de terre pour toute cuisine, d’un paravent pour devanture, pour toiture, d’une toile rouge accrochée à quelque muraille, d’où pendaient de droite et de gauche deux tapisseries, et qui montraient aux passants, soit une vendeuse de mou de veau, d’issues, de menues herbes, soit un rapetasseur, soit une marchande de petite marée.

Il n’y a plus de parapluies rouges, à l’abri desquels fleurissaient les fruitières, que dans les parties de la ville destituées de marchés. On ne revoit ces immenses champignons que rue de Sèvres. Quand la ville aura bâti des marchés là où les besoins de la population les demandent, ces parapluies rouges seront inexplicables, comme les coucous, comme les réverbères, comme les chaînes tendues d’une maison à l’autre au bout des rues par le quartainier, enfin comme tout ce qui disparait dans le mobilier social. Le moyen âge, le siècle de Louis XIV, celui de Louis XV, la Révolution, et bientôt l’Empire, donneront naissance à une archéologie particulière.

Aujourd’hui, la boutique a tué toutes les industries sub dio, depuis la sellette du décrotteur jusqu’aux éventaires métamorphosés en longues planches roulant sur deux vieilles roues. La boutique a reçu dans ses flancs dispendieux, et la marchande de marée, et le revendeur, et le débitant d’issues, et les fruitiers, et les travailleurs en vieux, et les bouquinistes, et le monde entier des petits commerces. Le marroniste, lui-même, s’est logé chez les marchands de vin. À peine voit-on de loin en loin une