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décembre entre quatre courants d’air, dans les couloirs du café Anglais, ce n’est pas la peine de risquer l’aventure. Mais si vous vous croyez assez de moyens pour résoudre ce problème de ne faire absolument rien et de mourir de fatigue à trente ans, portez-vous candidat, et une fois élu par le public si difficile des courses du bois de Boulogne, l’avenir est à vous ; on fera un bruit énorme autour de votre personnalité ; tous les aspirants gandins se fourreront dans votre état-major, et les maquillées les plus à la mode seront trop heureuses de subir vos brutalités. Je dois toutefois vous prévenir loyalement que, quinze jours après votre mort, il ne sera plus question de vous nulle part, si ce n’est peut-être à votre cercle où vos amis n’éprouveront aucun scrupule à vous appliquer, en le redoublant, le mot d’André Chénier :

« Il n’y avait pourtant pas grand’chose là. »


Le casernement des étudiants. — Si j’en crois les journaux, qui pénètrent jusqu’à moi, M. Duruy nourrit le projet de créer pour les étudiants de Paris une sorte d’école polytechnique où l’on prendra des pensionnaires à l’abri de la corruption du bal Bullier et de l’entraînement résultant du domino à quatre ; les jeunes insulaires du quartier Latin auront le droit de mener la vie belle et joyeuse dans des cours bien aérées, en jouant à la main chaude, aux barres et au chat perché. Vont-ils s’amuser, les gaillards ! La chope, fille de l’insouciance et même de la paresse, sera religieusement consignée à la porte, où les cigares seront remplacés par des gâteaux du plus séduisant feuilleté.

Si ce rêve universitaire se réalise, les hommes mariés ne seront plus en sûreté à Paris. Les petites femmes qui, dans le commerce des élèves en droit et en médecine, ont contracté la molle habitude de se coucher à deux heures du matin en hiver, et à quatre heures en été, vont sortir du quartier où les retenait la passion du bésigue pour se répandre par la ville, qu’elles ne peuvent manquer de ravager de fond en comble.

Il me semble que les messieurs logés de l’autre côté de l’eau ont déjà à nourrir plus de femmes que leurs porte-monnaie ne peuvent en rassasier. Il serait donc injuste d’ajouter une dépense nouvelle à toutes les charges qui les accablent. Si l’on veut créer un lycée pour les étudiants, il devient nécessaire d’en bâtir un pour les étudiantes, à moins que le ministère de l’instruction publique ne constitue à ces dernières une pension annuelle sur des fonds particuliers.