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Le commandeur, assez disloqué, ne tarda pas à paraître en se servant du même prétexte.

« Asseyez-vous, monsieur, et quand un de ces gentilshommes sera fatigué, vous reprendrez son jeu, » dit la vieille dame transportée de joie d’une telle affluence.

Les quatre courtisans de Mme de Champrosé avaient eu tous les quatre la même idée d’aller la retrouver au château de Kerkaradec, et leur imaginative peu fertile leur avait fourni le même moyen, c’est-à-dire le plus banal.

Chacun avait espéré être seul inventeur de cette combinaison triomphale, et ce fut avec la rage la plus comique qu’ils se trouvèrent tous réunis chez la vieille Bretonne.

Tout en jouant de la plus mauvaise grâce du monde, ils se regardaient en dessous comme ces chimères japonaises, constellées de verrues, que l’on met en regard sur les étagères et les cheminées.

Mais cela n’était rien en comparaison de ce qui les attendait.

On vint dire à Mme de Kerkaradec qu’elle était servie, et l’on passa dans la salle à manger, la vieille dame donnant la main au chevalier.

Ô surprise ! ô rage ! ô désespoir ! Mme de Champrosé ne parut pas : elle n’était pas au château !

Où pouvait-elle être ? Sans doute en campagne avec quelque galant.

Le chevalier amena délicatement la conversation sur Mme de Champrosé, qui, disait-il, lui avait parlé souvent de Mme de Kerkaradec avec beaucoup de vénération et d’amour.

« Oh ! fit la vieille dame, mes rides sans doute lui font peur. Il y a six ans que je ne l’ai vue, et plus de deux ans qu’elle ne m’a écrit.

— Nous sommes joués ! » s’écrièrent en chœur,