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En dépit du ciel et de l’onde.
Je meurs d’ennui dans ce loisir,
Car un impatient désir
De revoir les pompes du Louvre
Travaille tant mon souvenir,
Que je brusle d’aller à Douvre,
Tant j’ay haste d’en revenir.

Dieu de l’onde, un peu de silence,
Un dieu fait mal de s’émouvoir.
Fais-moi paroistre ton pouvoir
À corriger ta violence !
Mais à quoi sert de te parler,
Esclave du vent et de l’air,
Monstre confus qui de nature,
Vuide de rage et de pitié,
Ne monstre que par adventure
Ta hayne ni ton amitié ?

Nochers qui par un long usage
Voyez les vagues sans effroi,
Et qui connoissez mieux que moi
Leur bon et leur mauvais visage,
Dites-moi, ce ciel foudroyant,
Ce flot de tempête aboyant,
Les flancs de ces montagnes grosses,
Sont-ils mortels à nos vaisseaux ?
Et sans applanir tant de bosses
Pourrai-je bien courir les eaux ?
 
Allons, pilote, où la fortune
Pousse mon généreux dessein ;
Je porte un dieu dedans mon sein
Mille fois plus grand que Neptune.
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Desjà ces montagnes s’abaissent,
Tous les sentiers sont aplanis,
Et sur ces flots si bien unis
Je vois des alcyons qui naissent.
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