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aimé, bien qu’elle le prît pour un domestique, et a su reconnaître l’âme du maître sous les habits du valet. Quant à mons Jodelet, ce qu’il entasse de bévues, ce qu’il commet d’extravagances et de bêtises énormes, monte à un chiffre que nous ne sommes pas en état de calculer. Ce rôle est assurément un des plus naturellement bouffons qui se puisse voir ; il a été fait pour un acteur de beaucoup de talent, nommé Julien Geoffrin, qui prenait au théâtre le nom de Jodelet et a joué tous les Jodelets. Cet acteur fut incorporé par ordre royal dans la troupe de l’hôtel de Bourgogne. Ce fut lui qui joua le personnage de don Japhet d’Arménie, et il contribua fortement au succès des pièces de Scarron.

Ces pièces, que Scarron brochait en trois ou quatre semaines au plus, sont tout à fait conduites à l’espagnole, sans nul souci des règles d’Aristote, et notre burlesque y met en pratique le précepte de Lope de Vega, d’enfermer les préceptes sous six clefs, quand il s’agit de faire une comédie. La scène est tantôt dans une rue, tantôt dans un jardin, dans une chambre ou sur un balcon ; les duels, les rencontres imprévues, les travestissements, les substitutions de personnes, les enlèvements, les masques, les lanternes sourdes et les échelles de soie y sont prodigués. Quelque valet ridicule ou stupide remplit le personnage du gracioso. Le style, précieux et contourné dans les scènes d’amour ou de galanterie, offre en général cette rondeur familière et cette propriété qui est la grande qualité de la manière de Scarron. La plupart de ses comédies sont entremêlées de stances, comme c’était la mode alors. Au second acte de Jodelet se trouve une