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ques bergers de Théocrite et de Virgile. Ce n’est plus de Philis, ni d’Amarillis, ni de Thestilis, qui broie des gousses d’ail pour les moissonneurs, qu’il s’agit ; ce n’est pas même de la Chloé du roman de Longus, ni de Théano, ni d’aucune de ces dames. — C’est un cycle tout différent que le cycle dont le livre d’Urfé est le point central. C’est la période espagnole et romanesque ; c’est une tout autre population de bergers. Les noms ont d’autres racines, et ne sont pas composés de la même manière : Daphnis s’appelle Florintor, et Ménalque, Taraminte ; Tityrus devient Alphause ou Lisimant. La Galathée qui se sauve derrière les saules se change en Isomène ou en Luciane ; la simplicité alternée de l’églogue antique semblerait un peu bien fade à ces raffinés. Leurs conversations sont de véritables entretiens pointus où la préciosité la plus exquise pousse à droite et à gauche ses vrilles capricieuses et ses fleurs bizarres aux parfums enivrants. — La préciosité, cette belle fleur française qui s’épanouit si bien dans les parterres à compartiments des jardins de la vieille école, et que Molière a si méchamment foulée aux pieds dans je ne sais plus quelle immortelle mauvaise petite pièce.

L’idée de la pastorale intercalée dans la Comédie des Comédiens est assez jolie. — Pirandre adore Melisée, qui, pour éprouver la force de son amour, feint d’accueillir favorablement un autre berger nommé Florintor. — Pirandre, de son côté, afin d’éveiller la jalousie de Melisée et de piquer son amour-propre, rend des soins à la belle Isomène, qui le reçoit fort doucement, en apparence du moins ; car ce qu’elle en fait n’est que pour cacher son