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pas une laideur, mais bien un secret ou une pudeur que recouvrait le voile.

La beauté traversait confusément le tissu, comme un feu qui brille derrière une toile métallique. On ne la voyait pas, mais on la sentait belle.

Elle était vêtue d’une longue robe blanche, qui s’arrangeait à petits plis fins et fripés comme ceux des draperies de Phidias, et sur laquelle tranchaient, avec une grâce coquette et funèbre, les réseaux noirs des dentelles de la mantille.

— Madame, dit Volmerange, ne relèverez-vous pas ce voile ? Puisque vous avez la confiance de venir chez moi à cette heure, ces précautions sont inutiles : votre secret ne court aucun danger ; vous me cachez votre nom, laissez-moi au moins voir votre figure.

— Vous le voulez ? répondit l’inconnue d’une voix douce et pénétrante.

Cette voix connue fit courir un frisson dans les cheveux de Volmerange.

La dame, d’une main blanche, fluette, et dont la forme réveillait mille souvenirs dans la mémoire du comte, commença à remonter lentement les plis noirs de la dentelle.

D’abord apparut un menton charmant marqué d’un petit signe qui remplit Volmerange de trouble, puis une bouche d’un rose vivace qui porta sa terreur au plus haut point, et ensuite un nez grec et d’adorables yeux bruns qui le rendirent fou d’épouvante.

Tenant ainsi son voile relevé au-dessus de sa tête avec sa belle main de marbre, dans une attitude digue d’une statue antique, elle s’offrait pla-