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Des pentes formaient rampe, des repos semblaient avoir été ménagés par la main industrieuse de la nature. Aux endroits les moins accessibles, des broussailles, des ronces ou des filaments de plantes offraient des points d’appui. Aussi Saunders eut-il bien vite opéré son ascension ; mais la campagne était déserte au loin, et il fit signe à Sidney qu’il ne découvrait rien.

Jack eut bientôt vidé le canot qui n’avait pas souffert d’avaries, malgré les rudes secousses de la veille.

Si l’empereur venait, rien encore n’était perdu.

Mais la journée se passa sans que personne parût : ce que souffrit Sidney pendant ces mortelles heures d’attente, nul ne peut l’exprimer. Vers le milieu de la journée, il se dit : Ce sera pour ce soir : sans doute la tempête d’hier aura fait penser que je ne viendrais pas. Le vent était si fort et la mer si affreuse ! c’est cela ! il faut que je sois bien stupide de n’avoir pas d’abord pensé à cette raison : en effet, il n’y avait qu’un fou comme moi qui pût se risquer par un temps pareil.

Cette idée le soutint jusqu’au soir. Il reprit même assez de calme pour manger un peu de biscuit et avaler une gorgée de rhum, que Jack tira pour lui de la cabine du canot.

Saunders n’avait rien aperçu du haut de son observatoire. La Belle-Jenny, inquiète de ne pas voir rentrer le canot, s’était rapprochée de l’île peut-être plus que la prudence ne le permettait, et courait des bordées en faisant des signaux.

— Quoique je sois en proie à la plus poignante inquiétude, pensait Sidney, Benedict a bien fait