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dé, accompagnée d’une servante mulâtresse, faisait chaque jour à la même heure une promenade qu’elle poussait aussi près que possible de Longwood. — Ne manquez pas surtout d’avoir à la main ou sur votre chapeau de paille un bouquet de violettes, lui avait dit Benedict en la quittant ; et comme le jardin de la maison de campagne en contenait une plate-bande, rien n’était plus facile à suivre que cet ordre.

Pendant plusieurs jours, la promenade d’Edith fut inutile. Le prisonnier, malade, affaibli, ne sortait plus.

Impatient de savoir le résultat des courses d’Edith, et peut être aussi poussé par un autre motif, sir Benedict Arundell était venu la rejoindre à la campagne, et, chaque fois qu’elle rentrait de sa promenade, il l’interrogeait ardemment ; mais la réponse était toujours la même.

— Je n’ai rien vu que les aigles planant dans l’air, et les albatros coupant l’eau avec leur aile.

Enfin, un jour, au détour du chemin, Edith se trouva face à face avec le captif impérial, qui semblait marcher avec peine, suivi à distance de ses fidèles, et gardé de loin par des sentinelles rouges. Une pâleur de marbre couvrait ses traits amaigris et qui, sculptés par la douleur, avaient repris les belles lignes de leur jeunesse.

Il regarda Edith, et souriant avec cette grâce ineffable à qui rien ne résistait, il fit deux ou trois pas vers elle et la salua.

En présence de ce dieu tombé, Edith, qui devant l’empereur, rayonnant et fulgurant, eût peut-