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étrange. Ces deux blancheurs avaient rendu à ce masque bistré son obscurité indienne.

On eût dit un dévot sortant de la caverne d’Elephanta ou de la pagode de Jaggernaut, pour la solennité de la promenade du char aux roues sanglantes.

Il se tenait debout à côté du lit de repos, épiant le moment où la force de la drogue soporifique n’agissant plus, Volmerange se réveillerait de son assoupissement.

Déjà celui-ci avait à demi soulevé ses paupières, et, à travers l’interstice de ses cils, aperçu vaguement les colonnes aériennes, le plafond vertigineux de la salle, et le vieil Indien planté près de lui comme un fantôme, le regardant avec ces yeux obstinés dont vous poursuivent les personnages des rêves ; mais il n’avait pas pris ce qu’il voyait pour un retour à la vie réelle, et il se croyait encore errant dans les chimériques pays du sommeil. S’être évanoui au pied d’un arbre sur la colline de Primerose-Hill, et revenir à soi sur un divan de cachemire, dans une salle du palais d’Aureng-Zeb, an fin fond de l’Inde, à trois mille lieues de l’endroit où l’on a perdu connaissance, il y aurait eu de quoi étonner un cerveau moins ébranlé que celui de Volmerange. Il restait donc immobile, ne sachant s’il veillait ou s’il dormait, et cherchant à renouer le fil rompu de ses idées. Enfin, se décidant à ouvrir complétement les yeux, il promena autour de lui son regard étonné et ne put pas, cette fois, se refuser à l’évidence.

L’endroit où il se trouvait, quoique très fantastique, n’appartenait en rien à l’architecture du