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sir Benedict Arundell, qui chancelait sur le rebord de la trappe.

Benedict se laissa tomber sur le banc près de la table. Saunders donna quelques coups de pocquet dans la masse à demi consumée du charbon de terre, et en fit jaillir quelques flammes violettes. Arundell, ranimé par l’air tiède de la pièce et sûr au moins de ne pas mourir sans explication, trouva presque agréable cet horrible bouge, chamarré de dessins bizarres et sinistres, et éprouva un bien-être relatif. La figure de Saunders, quoique rude, n’avait rien de repoussant, et Benedict essaya de lier conversation avec lui.

— Que signifie, dit Arundell, cet enlèvement absurde ? Veut-on me voler, me faire signer des lettres de change ou m’assassiner ?

Saunders fit un geste de dénégation et répondit : Je crois plutôt que si votre seigneurie avait besoin d’argent, on lui en donnerait.

— Mais alors que veut-on de moi ?

— Je l’ignore, mais rien qui soit nuisible à votre grâce ; car, au contraire, les plus grands égards nous sont recommandés, et vous serez traité aussi douillettement qu’un ballot renfermant des pendules ou des verres de Bohême.

— Et connaissez-vous l’homme près de qui je marchais dans la ruelle… sir Arthur Sidney ?

— Je le voyais pour la première fois, répondit Saunders, dont les yeux d’un bleu d’acier soutinrent imperturbablement le regard pénétrant de Benedict.

Sidney ne serait donc pour rien dans cette infernale trame, se dit Benedict, heureux de pou-