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les cruautés de l’amour

— Vous êtes là ! dit-elle d’une voix altérée.

— Restez, je vous en conjure, s’écria-t-il, dites-moi que vous me pardonnez.

— Vous pardonner quoi ?

— Juliette, dit-il gravement, ne jouons pas avec notre cœur, ne cachons pas nos sentiments sous des mots menteurs, vous avez bien deviné que je vous aime de toute mon âme. J’ai l’audace de croire que je ne vous suis pas indifférent. Pourtant je vous ai chagrinée hier, la douleur et le regret que j’en ai ressentis m’ont suffisamment puni. Dites-moi que vous me pardonnez et que vous m’aimez un peu.

— Que vous importe de le savoir, dit Juliette vivement, puisque vous partez.

— Non, Juliette, non, je ne pars pas, s’écria-t-il, je ne sais quel démon m’a poussé à vous dire cela. Je suis enchaîné ici et, le voudrais-je, je ne pourrais m’éloigner.

— Eh bien ! dit-elle sans réussir à dissimuler un mouvement de joie, venez demain, il n’est pas convenable que je vous parle plus longtemps en l’absence de ma mère.

Il put saisir sa main et y appuya ses lèvres ; mais elle se dégagea et s’enfuit hors du salon.

Maurice s’en alla le cœur rempli de joie.

Il revint le lendemain et trouva toute la famille