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les cruautés de l’amour

Juliette avait levé les yeux sur Maurice et l’examinait depuis un instant, cherchant à deviner la cause de l’expression dure et chagrine qui avait soudain assombri son visage.

— Pourvu que ce gamin ne s’appelle pas Roméo, pensait Maurice.

Le collégien s’était élancé vers la balançoire et se balançait de toutes ses forces, faisant crier les anneaux.

— Prends garde de tomber, Jules ! lui cria Lili.

— Jules !…

On se leva, on se promena. Les allées peu larges permirent à Maurice de marcher seul à côté de Juliette ; les sœurs les suivaient.

Il éprouvait une sorte de tristesse à se promener dans ce jardin où il avait tant désiré venir. Il était obligé de s’avouer que quelques jours auparavant il eût éprouvé une tout autre émotion. Rien n’était survenu cependant, et cet amour, si jeune encore, semblait atteint d’une blessure mortelle.

— Je l’aime pourtant, se disait Maurice, suis-je donc fou ?

Il attira Juliette vers le banc et la fit asseoir à côté de lui.

— C’est ici, dit-il, que vous rangiez avec tant de soin des fleurs dans une corbeille. Je ne perdais