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les cruautés de l’amour

Il avait une idée qui lui semblait une inspiration céleste ; il allait au Casino ! Il s’était fait ce raisonnement bien simple :

— On danse tous les soirs ici, les jeunes filles aiment la danse, elle viendra.

Il était de trop bonne heure. Maurice ne trouva dans les salons que quelques hommes chauves qui lisaient les journaux. Il s’en alla au bord du lac ; la lune se levait, glaçant l’eau de reflets brillants. Ceci plongea le jeune homme dans l’admiration. Le paysage estompé de vapeurs lui parut un songe des Mille et une Nuits. Il prit pour des anges les cygnes qui regagnaient leur cahute.

— Me voilà poëte ! se dit-il.

Lorsqu’il revint, les salons commençaient à s’emplir, mais Juliette n’y était pas. Maurice &ait presque découragé, lorsque quelqu’un derrière lui s’écria :

— Voici Mme et Mlles Manivaux.

— Manivaux ! Quel vilain nom ! se dit Maurice.

Il se retourna, c’était elle avec sa sœur et sa mère.

Toutes trois s’avançaient lentement, rendant à droite et à gauche les saluts dont en les accueillait.

Maurice remercia sa bonne étoile de lui avoir inspiré la pensée de venir au bal.